10 raisons pour lesquelles Almagro doit quitter l’OEA
Par Leonardo Flores (Translated into French by Kate Fin)
L’Organisation des États américains (OEA) n’a jamais été un ami aux peuples américains. Cette institution, qui est en apparence un espace pour le multilatéralisme, a toujours été un outil pour le Département de l’Etat des Etats-Unis. Comme l’avait dit Fidel Castro en 1962, l’organisation n’est rien d’autre qu’un Ministère des Colonies américain. Cela est plus vrai que jamais sous la direction du secrétaire général Luis Almagro, qui est à la barre depuis mars 2015. Il est très probablement le pire dirigeant depuis la création de l'OEA en 1948.
Voilà dix raisons pour lesquelles Almagro doit partir:
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Almagro et l’OEA ont allumé le mis le feu aux poudres du coup d’Etat de 2019 en Bolivie. Ils ont faussement prétendu que les résultats présidentiels montrant la réélection d'Evo Morales étaient "inexplicables", ce qui a déclenché des troubles et active un complot qui l’a renversé. Ces affirmations ont été si complètement discréditées que des membres du Congrès américain ont demandé une enquête sur le rôle de l'OEA dans le coup d'État. Almagro a immédiatement reconnu le gouvernement putschiste, qui a commis « des exécutions sommaires et une répression généralisée » au cours de son année au pouvoir. Après avoir passé sous silence les victimes du régime putschiste, l'OEA a publié une déclaration condamnant le système judiciaire bolivien au lendemain de l'arrestation de la chef putschiste Jeanine Añez. Cette ingérence flagrante dans les affaires intérieures d'un État membre va à l'encontre de la charte de l'OEA et a conduit le Mexique à réprimander l'OEA pour son comportement envers la Bolivie.
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La lâcheté d'Almagro a contribué à légitimer quatre années supplémentaires de la narco-dictature hondurienne dirigée par Juan Orlando Hernández. Les élections de 2017 au Honduras ont en fait été largement entachées de fraudes, et au départ, Almagro et l'OEA ont fait ce qu'il fallait : ils ont dénoncé la fraude et appelé à de nouvelles élections. Cependant l'administration Trump était satisfaite des résultats et a reconnu les élections. En l'espace d'un mois, Almagro a reculé, ce qui « a remis en cause sa propre crédibilité » selon le diplomate Sir Ronald Sanders. Malgré les crimes documentés du régime de Juan Orlando Hernández, Almagro a embrassé et légitimé le gouvernement hondurien.
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Almagro a perpétué la longue histoire d'ingérence de l’OEA en Haïti. En 2020, quand le président Jovenel Moïse gouvernait sans parlement et s'est accordé une année supplémentaire sur son mandat, l'OEA a publié un communiqué de presse disant aux Haïtiens qu'ils devaient "se conformer". Almagro, agissant sans l'approbation des États membres de l'OEA, a envoyé une délégation en Haïti (qui n’a été dans le pays que pendant cinq heures) pour soutenir le gouvernement de Moïse face à l'intensification des manifestations. Juste avant l'assassinat de Moïse en 2021, l'OEA lui a conseillé de nommer un nouveau Premier ministre et de fixer des élections avant la fin de l'année - précisément ce que la majorité des Haïtiens ne voulaient pas.
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Almagro a embrassé le coup d'État de 2016 et le régime Temer au Brésil. Juste après une rencontre avec la présidente brésilienne Dilma Rousseff avant sa destitution, Almagro a dénoncé les poursuites à son encontre comme politisées et sans fondement. Mais une fois le coup d'État arrivé, il n'a rien dit à ce sujet et a rapidement accepté le régime de Temer, visitant son gouvernement moins de deux mois après le coup d'État. Lorsque l'ancien président très populaire Lula da Silva a été arrêté en 2018 et s’est vu interdire de participer aux prochaines élections, Almagro et l'OEA n'ont rien fait. Cela a ouvert la voie à l'extrémiste de droite Jair Bolsonaro pour remporter la présidence. Almagro avait peu à dire sur le traitement horrible de Bolsonaro envers les peuples autochtones, les Afro-Brésiliens, les paysans et l'environnement, entre autres
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Almagro a ignoré les violations des droits humains commises par les forces de sécurité lors de manifestations massives en Haïti, au Honduras, en Équateur, en Colombie et au Chili. Almagro s'est rendu en Équateur en 2019 pour féliciter le gouvernement de Lenin Moreno pour sa gestion des manifestations qui ont fait 11 morts, plus d'un millier de blessés et des centaines d'arrestations. Il dira plus tard que le président chilien Sebastián Piñera "a efficacement défendu l'ordre public" - le même Piñera qui a déclaré la guerre aux manifestants de son pays et dont les forces de police ont ciblé leurs yeux. Concernant les manifestations en Colombie au cours desquelles au moins 80 personnes ont été tuées, des dizaines ont disparu et des milliers ont été agressées par la police, Almagro a limité sa critique à un tweet condamnant à la fois l'usage excessif de la force par la police et la violence des manifestants, établissant une fausse équivalence entre les exécutions extrajudiciaires et le vandalisme. Almagro n'a encore rien dit sur les 171 leaders sociaux assassinés en Colombie ou sur les 96 massacres que le pays a connus en 2021 seulement. Tout en ignorant les violations dans les pays membres, Almagro et l'OEA ont condamné le gouvernement cubain lors des manifestations de juillet 2021, bien que Cuba ne soit pas membre de l'OEA.
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Almagro mène une guerre hybride contre le Venezuela. Sous sa direction, l'OEA a violé sa propre charte et ses procédures à maintes reprises pour tenter d'intervenir au Venezuela. Il a tenté d'invoquer la Charte démocratique interaméricaine contre le Venezuela, un outil destiné à être utilisé comme une réponse aux coups d'État, et non pour inciter les coups d'État. Il a immédiatement reconnu le faux "président par intérim" Juan Guaidó et accepté ses faux diplomates au sein de l'OEA, alors que le Venezuela avait déjà officiellement quitté l'organisation. Almagro a également tenté d'invoquer le Traité de Rio, un pacte de défense qui aurait pu ouvrir la voie à une invasion régionale du Venezuela, et a déclaré que "toutes les options" devraient être envisagées pour renverser le gouvernement vénézuélien. Il a dit à l'ancien président espagnol José Luis Zapatero "Ne soyez pas stupide" lorsque Zapatero a encouragé une solution négociée à la crise au Venezuela.
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Almagro est également l'un des principaux facteurs motivant les tentatives de changement de régime au Nicaragua. Almagro et l'OEA ont fortement soutenu la tentative de coup d'État de 2018, dans laquelle les États-Unis étaient fortement impliqués. La violence des manifestants (qui ont tué au moins 60 personnes, dont 22 policiers ainsi que des représentants du gouvernement et des partisans) a été délibérément ignorée pour structurer un récit autour des violations des droits de l'homme par le gouvernement et justifier une intervention. Almagro a calomnié les élections présidentielles nicaraguayennes dans le cadre d'une campagne visant à délégitimer le président Daniel Ortega. Tout comme au Venezuela, il a été un meneur de claque pour les sanctions américaines illégales destinées à paralyser l'économie.
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Semblable à Trump et Bolsonaro, Almagro s'en prend aux médias et punit ceux qui le critiquent. En réponse aux questions soulevées sur les allégations de fraude contre l'OEA lors des élections boliviennes de 2019, Almagro a publié une tirade bizarre qui a invoqué les nazis, attaqué des chercheurs et fait des allégations absurdes contre le New York Times. Il n'a pas réagi aux lettres envoyées par les membres du Congrès, démontrant un manque total de reddition de comptes. Almagro a dénoncé deux observateurs électoraux de l'OEA comme des "espions" pour ne pas avoir souscrit à ses fausses allégations de fraude lors des élections de 2019 en Bolivie. Il a essentiellement viré Paulo Abrão, le chef de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), parce que sous la direction de Abrão, la CIDH avait dénoncé les violations des droits de l'homme du régime Añez en Bolivie.
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De plus, il est probablement corrompu. En 2018, Juan Jiménez Mayor, porte-parole de la Mission de soutien à la lutte contre la corruption et l'impunité au Honduras (Maccih), a démissionné de son poste en raison du manque de soutien institutionnel de la part d’Almagro et de la corruption présumée dans la campagne anti-corruption. Le procureur Julio Arbizu a également démissionné de la commission, affirmant que « les conversations entre Almagro et [le président Juan Orlando] Hernández » visaient à utiliser le Maccih pour détourner les critiques d'Hernández. La Mission a rempli les poches de l'OEA, qui était financièrement démunie, avec des millions de dollars d'aide des États-Unis et de l'UE. Arbizu allègue qu'Almagro disposait d’une "utilisation arbitraire" de ces fonds et qu'il a embauché deux amis non qualifiés pour travailler au Maccih, dont l'un était ouvertement raciste et classiste envers le personnel de Maccih. Almagro a promis de ne servir qu'un seul mandat en tant que secrétaire général de l'OEA, mais sa réélection en 2020 a incité une source anonyme à publier une lettre largement diffusée qui a détaillé le copinage et les conflits d'intérêts dans les recrues d'Almagro pour des postes importants de l'OEA, ainsi que les profondes divisions au sein de l’OEA causées par les décisions d'Almagro.
- Almagro n'a apparemment rien à dire sur la statue de la reine Isabelle devant l'OEA. À une époque où les gouvernements de toute l'Amérique latine abattent des statues qui rendent hommage aux auteurs du génocide, du racisme et du colonialisme, Almagro a ignoré une demande de juillet 2021 de CODEPINK de se réunir pour discuter de la la possibilité d’enlever ce symbole de l'holocauste séculaire déchaîné sur les peuples autochtones des Amériques. Il ignorera probablement aussi une lettre ouverte de personnalités éminentes des Amériques appelant au retrait de la statue.
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Leonardo Flores est Coordinateur de la campagne latino-américaine avec CODEPINK.